UNE CAPACITÉ INÉGALEMENT DISTRIBUÉE À TRAVERS LES GROUPES VÉGÉTAUX
Certains se multiplient bien, et notamment spontanément dans la nature, alors que d’autres sont totalement réfractaires à la multiplication végétative (naturelle et/ou horticole).
Les Mousses et plantes alliées (BRYOPHYTES) ont un appareil végétatif « basique ». C’est une chance pour leur clonage ! J’ai en effet entendu dire qu’il était possible de faire un hâchis de mousses et de le cultiver pour reconstituer « rapidement » un tapis dense. Les Hépatiques se multiplient grâce aux propagules. Minuscules morceaux de thalle contenus dans les corbeilles à propagules à la surface du thalle de la plante mère, elles n’attendent qu’une goutte d’eau pour en être catapultées et aller prendre racine plus loin. Pardon : il faudrait dire : prendre rhizoïdes plus loin, étant entendu qu’il n’y a pas encore de racines dans ce groupe.
Les Conifères et plantes alliées (GYMNOSPERMES), tous ligneux, ne se bouturent pas. On peut en revanche les greffer.
Parmi les ANGIOSPERMES, l’aptitude au clonage est très diverse. A fortiori dans ce groupe, il est intéressant de considérer le clonage en conditions naturelles comme une adaptation écologique.
Si les pommiers, poiriers, pruniers… offraient des facilités de bouturage, ça se saurait (et ça serait, hélas !, la fin du métier d’horticulteur-producteur) : on ne peut garder ces fruitiers de la famille des ROSACÉES que par greffe (clonage pas très naturel…). Certainement que les artefacts des croisements (hybridation) qui ont donné les clones que nous connaissons, ont beaucoup diminué leurs aptitudes au clonage naturel. J’ai déjà observé, sur un pommier revenu au type sauvage, des marcottes : des branches s’arquent et, quand elles touchent le sol, elles prennent racine et donnent un nouveau pied. Ce phénomène est très connu chez de nombreux arbustes sarmenteux, dont les tiges sont arbuées : chez les ROSACÉES encore : la Ronce (Rubus fruticosus) ; chez les OLEACÉES, le Forsythia (OLEACÉES) ou le Jasmin d’hiver (Jasminum nudiflorum). Chez ces derniers, il est intéressant de remarquer que des amorces de racines apparaissent avant même que les rameaux n’aient touché terre, dans l’air, au niveau de nodules, ceux du Forsythia étant réputés maladifs (virose ?). Les marcottes sont certainement le phénomène naturel le plus proche des boutures de tige qu’on fait dans l’eau.
Inversement, chez des plantes d’endroits secs tels que les Echeveria, ou leur pendant indigène, les Sempervivum, la rosette de feuilles perd des feuilles à partir de la base, qui reprennent racine et régénèrent une nouvelle plante. C’est comme si chez ces CRASSULACÉES vivant dans des conditions extrêmes, avec un risque de disparition supérieur à celui qui règne dans d’autres milieux de vie, à leur reproduction sexuée s’ajoutait le clonage par boutures de feuilles, qui démultiplie les chances de survie de chaque plante (génome). Il est intéressant de savoir aussi que chez ces plantes, chaque rosette ne fleurit qu’une fois et que le pied n’est sauvé que par des stolons apparus avant la floraison.
Encore dans la famille des ROSACÉES, le merisier, le pommier, le poirier, le prunier… donnent des rejets de racine : les drageons. Ce sont ces drageons que l’on redoute chez les Peupliers (Populus, SALICACÉES) ou chez l’Ailanthe (Ailanthus altissima, SIMAROUBACÉES). Car au moment où ils ont commencé à défoncer les trottoirs, abattre le pied mère n’est plus forcément la meilleure idée : les drageons se vengent, en prenant pour eux ce que les racines dirigeaient d’eau et sels minéraux au pied-mère : leur végétation semble décuplée. On s’occupait par le passé à tuer la souche après avoir abattu l’arbre-mère : il me semble plus écologique d’anticiper la plantation en choisissant un arbre à propos. Ce qui ne signifie pas qu’il faut exclure les essences drageonnantes de tous les cas de figure. En effet, alors qu’au bord d’un trottoir ils semblent annoncer l’Apocalypse, les drageons des Peupliers pourrons s’avérer salutaires quand on aura besoin de fixer une berge. Ce qui, pour le Peuplier, est son écologie dans la nature : il s’agit bien d’une essence riveraine.
Chez les ROSACÉES encore, on connaît très bien le mode de bouturage naturel du Fraisier (Fragaria) : par voie de stolons. C’est le nom réservé à ces longues tiges acaules, s’allongeant rapidement à partir d’un bourgeon axillaire d’une feuille d’une plante acaule, jusqu’à toucher terre plus loin. À cet endroit, des racines se forment et une nouvelle plante-fille apparaît. Il n’est pas rare que la plante mère meure, après avoir été relayée par ses filles. Ce qui permet de comprendre ce mode de clonage, parmi d’autres, comme des modes de conquête de nouveaux espaces, a fortiori quand les espèces évoquées sont réputées gourmandes : les mères épuisent leur rhizosphère : les filles s’établissent plus loin, sur des terrains inexplorés. A la réserve près que mères = filles, puisqu’il s’agit d’un unique clone.
Dans le même esprit, chez les GRAMINÉES par exemple, le clonage se fait par stolons chez les uns (Chiendent, Cynodon), par rhizomes (tiges horizontales) chez d’autres. C’est le cas chez le Roseau (Phragmites australis) ou chez les Bambous traçants. D’où leur si mauvaise réputation. (Il convient de relativiser notre malheur, concernant les Bambous, depuis qu’on a (re-)découvert les capacités de dépollution des sols et des eaux dont ces plantes sont capables. La phytoremédiation peut se terminer par l’arrachage des plantes, d’autant plus facile que leurs rhizomes sont superficiels : on incinère le tout et le milieu est dépollué pour pas cher.) Pourquoi un Bambous s’étale-t-il ? Parce qu’il a vite faim sur l’emplacement qui lui avait été donné. Pour preuve, une manière, pour le moins paradoxale, de le limiter, serait de l’arroser et l’engraisser suffisamment -à l’engrais gazon, naturellement.