Flores régionales : création à venir de 2 marques : Flore locale® et Vraies messicoles®
Posté par Paul-Robert TAKACS le 23 juin 2014
Lors de la manifestation Jardins jardin aux Tuileries, les 5-6-7 juin derniers, un stand mystérieux, dénotant parmi les autres, a attiré mon regard. Aucune touche de couleur parmi les plantes présentées (à part le vert) et pour cause : c’était le stand « GIE des Pépinières franciliennes ».
Marina, qui tenait le stand, m’explique que GIE signifie Groupement d’Intérêt Économique : 7 pépiniéristes d’Île-de-France se sont regroupés, probablement pour sauver leur affaire et… le stand est décoré de plantes indigènes : bizarre…
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Lors du colloque « Pourquoi et comment utiliser des végétaux d’origine locale pour restaurer la biodiversité ? » auquel j’ai assisté hier 18 juin, à Nanterre, j’apprends que 2 marques (!) sont en cours de dépôt, qui seront opérationnelles fin 2014 : Flore locale® et Vraies messicoles®. En respectant un cahier des charges, des producteurs pourront ainsi estampiller leurs graines, mélanges de graines et plantes en godets ou conteneurs. Et qui je retrouve à mon colloque ? Mon GIE des Tuileries ! Car les Pépinières Franciliennes vont répondre à l’appel à projets
Que signifiera le logo Flore locale® sur des graines ou une plante proposée à l’achat ?
- qu’il s’agit d’une plante indigène et même plus encore : d’une plante régionale[1]. Petit souci administratif : on entend « régionale » au sens de régions pédo-climatiques. Sauf erreur de ma part, la France a en été redécoupée en 10 régions pour la métropole (nommées A à K) + 1 région supplémentaire par DOM / TOM, je crois. Il n’est pas exclu que ce découpage soit remanié à terme, au-delà du territoire national. En effet, des pépiniéristes frontaliers souhaiteraient que soit recherchée une mise en cohérence pédo-climatique avec les pays voisins[2] et notamment avec ceux d’entre eux où un dispositif comparable à Flore locale® fonctionne déjà[3] ;
- pour garantir des génotypes autant que possible purs, la plante sera issue de graines ou boutures[4] récoltées dans la nature, dans des terrains exempts de cultures depuis x années[5], jamais plus de x fois au même endroit et après avoir obtenu les autorisations de récolte nécessaires le cas échéant. Il faut en effet savoir, au sujet des lieux de récolte en particulier et concernant la démarche Flore locale® en général, que la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux est partie prenante et même locomotive[6] ;
- les graines ou plants mis en vente bénéficieront d’une traçabilité, lisible pour les organismes certificateurs, opaque pour les acheteurs en ce qui concerne le lieu de prélèvement ;
- les plantes locales auront été cultivées par des pépinières locales. Une grosse déception : jusqu’à nouvel ordre, les méthodes de culture ne sont pas très cadrées : les substrats de culture ne semblent pas visés par la certification[7], ni les soins aux végétaux : la production n’a pas besoin d’être écologiquement correcte et a fortiori pas Bio
Au moins, telle qu’elle est construite, la procédure de certification Flore locale® et Vraies messicoles® ne devrait plus permettre :
- qu’un pépiniériste proclame ses Photinia ‘Red Robin’ et autres Pyracantha « Flore locale », expliquant « Ben bien sûr que je vends des plantes locales : elles sont produites ici, chez moi ! » L
- qu’on vende sous le nom de « Flore locale » des Fagus sylvatica issus de graines récoltées en Allemagne, poussées en Belgique et vendues en Bretagne L
De grandes inquiétudes se ressentent dans la salle, où sont nombreux les producteurs, les distributeurs, mais aussi leurs banques[8] et leurs assureurs. Tous évoquent des risques :
- le risque relatif aux difficultés de culture de ces plantes-ovni pour les pépiniéristes que sont les espèces sauvages : on sait cultiver un Rhododendron hybride, mais comment cultivera-t-on des plantes sauvages, autrement dit des mauvaises herbes ? Pourra-t-on désherber chimiquement dans les rangs, ou faudra-t-il désherber à la main, donc savoir différencier, à tous les stades de développement, ce qu’on garde et ce qu’on arrache ?
- le risque, face à la clientèle, du surcoût annoncé pour des plantes locales : surcoût du en phase de première récolte au temps de collecte des graines, leur tri, leur préparation… ; surcout du en phase de multiplication à la culture, désherbage manuel…
- …qui augmentera d’ailleurs le risque de ne pas pouvoir écouler une production.
Une question de fond, lancinante, dont beaucoup de succès dépendent : comment motiver auprès du public la vente de « mauvaises herbes » ?
Une réponse est apportée par mon GIE des Pépinière franciliennes, avec son stand tout vert aux Tuileries. En proposant des plantes adaptées à l’Île-de-France, il en vient à proposer… des plantes régionales
En attendant de convaincre (convertir) le grand public, il est demandé aux donneurs d’ordre (collectivités, état…) de bien vouloir structurer une demande pour que l’offre… suive !
[1] Espérons que les espèces naturalisées-invasives ne feront pas partie des plantes dites indigènes.
[2] notamment pour ne pas perdre une clientèle extra-nationale
[3] De fait, un dispositif type Flore locale® fonctionne correctement, depuis quelques années déjà (années 80 ?), en Allemagne. Les producteurs de plantes alpines souhaiteraient que la région qui les concerne en France soit étendue vers les Alpes italiennes, suisses, autrichiennes…
[4] la diffusion de boutures ne me semblant personnellement pas souhaitable dans un contexte d’amélioration de la biodiversité
[5] Cette règle faisant bien entendu exception pour les Vraies messicoles®
[6] C’est par exemple la FCBN qui est à l’origine du présent colloque.
[7] on n’est décidément pas allés au terme d’une démarche fondée sur une réflexion pédo-climatique
[8] Notre colloque est accueilli dans les murs du Crédit Coopératif, banque de la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux.
Publié dans 56. BIODIVERSITÉ VÉGÉTALE : CONNAÎTRE, PROTEGER, plantes indigènes & régionales | Pas de Commentaire »