OFFREZ-VOUS UN JARDIN SANS HIVER : COMMENCEZ UN HERBIER !
Posté par Paul-Robert TAKACS le 17 octobre 2011
Engrangez des plantes en fleurs, joignez un petit croquis, revenez sur la plante en automne pour en avoir aussi les fruits et graines. Et, cet hiver, au coin de la cheminée (ou du radiateur), cherchez le nom dans une Flore, classez les espèces dans les genres et les genres dans leurs familles. Moi, c’est comme ça que j’ai appris ! En prime, quand je regarde une planche d’herbier, même ancienne, me reviennent en mémoire des sons, des parfums, des ambiances : c’est mieux qu’un powerpoint !
1°__Récolter du matériel
Récolter « en sexe », c’est-à-dire en fleurs et/ou en fruits, parties de la plante qui seront obligatoirement demandées, tôt ou tard, dans la détermination avec une Flore. En effet, les parties végétatives (tiges, feuilles,…) sont :
-d’une part trop semblables d’une espèce à une autre ;
-d’autre part trop variables d’un individu à un autre d’une même espèce, a fortiori dans des conditions de vie (écologiques) différentes.
Même chez les herbes, il n’est pas souhaitable, ni même nécessaire sauf rares exceptions, de ramasser les racines. Quand on ramasse, il faut tenir à jour, idéalement aussitôt, le carnet de récoltes qui permet :
-d’une part de retrouver précisément le lieu de récolte exact (localité, pas seulement au sens administratif) ;
-d’autre part d’inscrire ce qui sera perdu par le séchage : couleurs, parfums, textures, volumes… de telle ou telle partie de la plante.
Les localités peuvent être nommées A B C D… ; chaque plante doit être numérotée 1 2 3 4… Ces numéros doivent être uniques pendant toute une vie de récolteur. On parle de la série des récoltes de ce récolteur. 80.000 numéros à la fin d’une vie, fait d’un récolteur un Botaniste émérite ; j’en suis à 8.000 personnellement (et j’en suis très complexé). Il est toujours possible (voire indispensable) de travailler seulement sur des cahiers avec des crayons (pour faire le croquis d’une fleur avec ses couleurs sur le frais, ça reste un plaisir rare dans notre monde de fous), mais il est très recommandé d’accompagner les cahiers d’un ordinateur : enregistrer les récoltes sous Excel, voire sur Access s’avère bien utile par exemple pour tenir à jour et sans faute une série numérique continue (1 2 3 4…), pour standardiser les énoncés des écologies, etc. C’est aussi bien utile ensuite pour en faire des extractions du type : toutes les plantes récoltées à Paris ; dans un marais ; le jour de votre anniversaire, etc.
2°__Déterminer du matériel frais / utilisation d’une Flore Idéalement, la détermination se fait, avant même de prélever un échantillon de la plante concernée, sur le frais. Pour des raisons d’organisation évidentes, la détermination doit souvent attendre le soir. Ne pas dépasser le lendemain. À cet effet, les plantes d’une même localité doivent être enfermées dans des sachets plastique qui seront noués, et qui porteront la mention de la localité sur un papier à l’intérieur (ne pas écrire à l’encre : l’idéal reste le crayon à papier) ou au marqueur sur la paroi du sac lui-même. Les plantes ainsi enfermées se maintiennent dans une ambiance suffisamment humidifiée pour pouvoir encore être « lisibles » pour une détermination le lendemain. Davantage de délai risque de déboucher sur la pourriture au moins des plus aqueuses d’entre elles. La détermination est à mener avec une Flore type Bonnier. éviter (ou ne prendre qu’en complément des précédentes) les Flores illustrées, qui, d’usage pourtant agréable et facile (visuel), conduisent trop souvent à des erreurs (il y a quelques Thlaspi qui ressemblent à des Tabourets) et ne vous permettent pas spécialement de progresser dans l’Art de la Botanique. Il existe des Flores plus ou moins locales, les plus locales (à préférer) ayant en général :
-l’avantage de ne pas inclure des questions concernant des plantes qu’on ne risque pas de rencontrer (cf. plantes des Alpes ou des Pyrénées dans le Bassin parisien) ; dans la région de Paris, préférer la Petite Flore du Bassin Parisien de G. Bonnier & G. de Layens ;
-l’inconvénient, précisément, de ne pas interroger sur une plante en général des Pyrénées, qui, par tel ou tel miracle, s’est trouvée dans le Bassin Parisien [c’est-à-dire ce à qui n’importe quel Botaniste rêve lors de chaque excursion (ne pas dire « sortie » : en sortie on s’amuse, en excursion on travaille, on peine pour la Gloire)] ; il faut reconnaître que ce genre de choses est rare ; et quand ça arrive, il faut absolument communiquer, voire publier la découverte.
3°__Faire sécher
Les plantes déterminées, les échantillons sont mis à sécher :
-dans du papier buvard (prend des pourritures assez rapidement) ;
-entre des pages de bottin, avec quelques cinquante pages vides intercalées ; -ma préférence : entre 2 feuilles de journal (gratuit) intercalées de carton ondulé, etc.
Le papier, quel qu’il soit, doit être au moins surveillé, au plus changé périodiquement pour éviter la fermentation puis la pourriture, le temps que l’échantillon perde toute son eau. Chaque échantillon doit donc être accompagné d’un morceau de papier rédigé au crayon, portant le numéro de récolte (1 2 3 4…) et l’indication de la localité (A B C D…). On peut écrire sous forme de fraction, par ex 13/B, qui signifiera qu’il s’agit de la plante n°13, récoltée dans la localité B. Il faut se débrouiller pour que ce morceau de papier reste toujours attaché à l’échantillon qu’il doit accompagner : la tige d’une plante ligneuse traversera ledit morceau de papier ; certains utilisent des étiquettes percées d’un trou et porteuses d’une ficelle (rouge) qui sera attachée à la plante, comme on en voit dans les devantures d’horlogers ou de bijoutiers qui sont attachées à des objets à la vente ; d’autres utilisent du papier gommé pour faire le tour de la tige de l’échantillon comme un anneau avec une pancarte de côté. Dans tous les cas, rejeter le scotch de toutes les opérations d’herbier !
4°__Produire le spécimen d’herbier
Un échantillon desséché, qu’il faudra désormais appeler exsiccata, attaché à un support papier et accompagné d’une étiquette de récolte, constitue ce que l’on appelle un spécimen ou une planche d’herbier. L’exsiccata doit être attaché avec des bandelettes de papier gommé mises à cheval, à découper dans un rouleau que l’on trouvera par ex. au rayon papeterie du BHV Rivoli, sur un papier fort, du type Canson à grain (sur le côté sans grain) ou Bristol blanc. Les planches d’herbier professionnelles ont un format mondialement standardisé, de l’ordre de 40 cm x 60 cm. Un particulier peut s’en tenir à un format A4. Il faut acheter du Canson et le découper au format ou acheter des ramettes de Bristol blanc de format A4. Le papier gommé est à humecter à la bouche, au pinceau trempé dans l’eau, ou (luxe) à l’aide d’une mouillette (voir BHV). Les bandelettes, découpées à l’avance dans la largeur du rouleau, feront quelques 4cm x 2-3mm. On dépose les bandelettes humectées à cheval sur l’échantillon pressé totalement (!) sec, en les saisissant avec une pince fine dite Drummond ou d’horloger (voir par ex. magasins de matériel et objets d’Histoire Naturelle dans le quartier de l’école de Médecine) et en la faisant épouser très intimement la forme de l’exsiccata, par ex. à l’aide d’un scalpel (mêmes fournisseurs). L’étiquette d’herbier porte 2 groupes d’informations :
-celles dites objectives pour commencer : nom du récolteur et numéro de récolte ; lieu de récolte (tout le cortège administratif : pays, département, nom de la ville, etc.), écologie (type de milieu : bord de chemin, marais, etc.) et date de récolte ;
-celles dites subjectives : en l’occurrence le nom de la plante, selon celui qui l’a déterminée.
Publié dans b. récolter pour herbier | Pas de Commentaire »